Point de vue de Gabrielle Millan, bureau des Matrics/RICS France & Nicolas Tarnaud, Financia Business School
Le coliving, l’économie du 21e siècle sera celle du partage et des nouvelles technologies. Les logements comme les bureaux en bénéficieront. Toute la question est de savoir où se situera la limite entre ce que nous mettrons en commun ou pas, aussi bien professionnel que personnel ?
Le logement partagé a vu le jour depuis plusieurs décennies aux Etats-Unis et en Angleterre et s’est largement démocratisé dans le monde. Ce n’est pas un hasard si la colocation séduit d’avantage d’utilisateurs quels que soient leur âge et leur catégorie sociale. Ainsi, génération millenium cohabite parfaitement avec d’autres classes d’âge. Aussi, dans un univers de taux bas et d’abondance de liquidités, les investisseurs s’intéressent également à ce produit alternatif qui permet d’obtenir de meilleur rendement que les actifs immobiliers classiques.
De la colocation au coliving
La colocation a toujours existé dans les pays anglo-saxons. Ce phénomène social touche particulièrement les grandes métropoles mondiales où les marchés immobiliers sont particulièrement tendus. La colocation permet aux locataires de bénéficier d’un logement spacieux avec un séjour et une cuisine partagés tandis que les chambres demeurent privatives. Mais derrière ce terme se cache un contexte règlementaire dans lequel un bail est signé, engageant réellement les parties.
En France, la colocation est soumise à la loi du 6 juillet 1989 régissant les baux d’habitation dans lesquels deux ou plusieurs personnes sont liées à un bailleur pour partager un même logement. Les colocataires sont aussi liés entre eux au travers de ce même bail qui induit que le défaut de paiement de l’un des leurs entraîne souvent le règlement du loyer par les autres. En outre, en France, face aux colocataires de mauvaise foi, les bailleurs ont souvent du mal à récupérer leurs impayés. Ils hésitent ainsi à signer des baux d’habitation en colocation malgré une forte demande pour cet habitat collaboratif.
Le coliving est arrivé dans ce contexte où les locataires rencontrent davantage de difficultés à trouver des baux en colocation. Le coliving apporte une réponse à la fois règlementaire et d’usage à cette situation encadrant davantage le share home. En effet, le coliving acte de façon très claire les espaces communs et les espaces privatifs. Là où un bail en colocation rend solidaires les différents colocataires face à leur bailleur sans distinguer le privatif du commun. Dans le cadre du coliving, chaque utilisateur règle sa chambre sur le modèle hôtelier. Nous ne sommes plus dans le cadre de la location classique mais dans celui d’une nouvelle forme d’hébergement.
Une philosophie de vie
Le coliving répond au besoin de se loger dans les grandes agglomérations où l’offre est rare et les prix élevés. Les citadins, les étudiants ou jeunes actifs ont de plus en plus de difficultés à se loger convenablement au regard des prix du marché et de la pression foncière en milieu urbain. Le coliving est en partie une réponse à ce problème de logements qui touche les générations Y et Z. En proposant une nouvelle forme de cohabitation des chambres privatives souvent réduites et des espaces partagés plus vastes.
Nous sommes en réalité au balbutiement du coliving. Au-delà des contraintes financières que les grandes métropoles imposent aux étudiants et jeunes actifs, certains choisissent cette nouvelle forme d’habitat pour la souplesse de la formule. En effet, le coliving permet de lutter contre l’isolement et la solitude qui règnent dans nos sociétés modernes. En offrant un cadre de vie en communauté, où chacun a possède ses espaces privatifs et bénéficie d’espaces partagés pour se retrouver et rencontrer d’autres personnes. Ils se retrouvent alors au sein d’une communauté et non seuls dans des petits appartements. Ainsi, la surface moyenne des logements à Paris est de 55 m2.
Le coliving est une réponse à un besoin de sociabilité en ville et crée une nouvelle forme de lien social. Certains utilisateurs adhèrent aussi à cette option qui n’exige pas d’engagement contrairement au statut des baux d’habitation classique. Le coliving est une solution à la carte qui propose des services aux occupants, sur le modèle de l’industrie hôtelière. Du bail d’habitation à l’hôtellerie, se loger avec une offre de services, attirent de plus en plus de citadins.
Un modèle alternatif
Généralement, on est locataire en centre ville des grandes métropoles et propriétaire en périphérie. Ainsi, les locataires occupent 60% des résidence principales à Paris. Basé sur le modèle de la résidence hôtelière, le coliving offre une alternative au bail d’habitation avec moins de contraintes pour les bailleurs comme pour les colocataires. En effet, le colocataire est protégé par le bail d’habitation tandis que l’investisseur peut l’être également contre les loyers impayés en contractant une assurance spécifique.
Ce dernier devra intégrer les dégradations et la vacance propre à tout investissement locatif. En cas d’impayé ou de squat, les procédures sont longues et couteuses pour les bailleurs qui sont donc de plus en plus nombreux à être réticents. Dans le coliving, il n’y a donc pas de loyer mais un prix correspondant à une prestation de services. Cette dernière inclut la chambre privative, l’accès aux espaces communs, le linge, le ménage, le wifi etc.
En fonction des résidences, les offres et les tarifs varient. La difficulté pour l’investisseur est de trouver des modèles financiers et définir le produit le plus adapté à la demande. Car tout en ayant l’air moins onéreux que le bail d’habitation classique. Le coliving est en réalité parfois plus cher qu’un logement privatif mais plus convivial dans certains cas. Il devient donc inaccessible pour les étudiants et les jeunes actifs dont les revenus ne permettent plus de se loger seuls en appartement. Il devient un produit à mi-chemin entre le logement et l’hôtellerie. Coliving, colocation et coworking vont devenir les mots clés de l’immobilier du 21e siècle.
BusinessImmo
25 octobre 2018